"Pendant le défrichement je suis monté sur un des engins de chantier et j'ai refusé d'en descendre. C'est ça qui m'a valu d'être interpellé. C'était juste de la résistance passive. Les policiers présents m'ont dit qu'ils ne comprenaient pas pourquoi ils étaient si nombreux (une trentaine de CRS) à être mobilisés pour protéger ce défrichement, alors qu'au même moment un enfant avait disparu dans le secteur de Mériel et qu'il aurait mieux valu mettre des effectifs pour sa recherche .
Nous étions 4 interpellés dont une adolescente, trainée et bloquée au sol, face contre terre et menottée dans le dos. Nous avons été accompagnés au commissariat à toute vitesse et sirène hurlante. Quand nous avons fait remarquer que leur conduite était dangereuse alors qu'il n'y avait pas d'urgence, les policiers nous ont dit qu'ils faisaient toujours comme ça (c'était leur "style"). Nous avons été accueilli par un policier plein d'humour qui avait le poing levé en l'air. Nous leurs avions été présentés comme des personnes violentes qui s'étaient rebellées. Quand ils nous ont interrogé, ils ont bien vu que nous ne correspondions pas à ce profil !
Il a eu un moment drôle quand ils ont voulu me menotter et que cela posait un problème à cause de ma main qui glissait (il me manque 4 doigts suite à un accident dans ma jeunesse). Cette main leur a aussi posé un problème pour recueillir mes empreintes lors de l'établissement de la fiche signalétique.
Fallait-il poser le pouce restant sur toutes les cases?
Nous avons passé 6 heures au commissariat, dont 4 en cellule. Quand ils m'ont demandé quel était mon métier, je leur ai répondu que je créais des décors de film, j'ai ajouté que leur salle de garde à vue était tellement pourrie que si je faisais un tel décor pour une série policière, personne n'y croirait. Ils m'ont répondu qu'ils étaient d'accord avec moi car le commissariat était "dans son jus" depuis sa construction, et qu'ils s'étaient d'ailleurs cotisés et avaient utilisé leur temps libre pour repeindre une partie des bureaux .
A un moment donné, ils ont quand même prétendu que j'étais armé (j'ai toujours ma pince multi fonctions sur moi) et quand, plusieurs jours après, je suis allé la récupérer, ils voulaient me faire promettre que je retirerai la lame. J'ai répondu qu'il n'en était pas question car c'est mon outil de travail.
À côté de moi, un adolescent était interrogé pour un vol de scooter, le policier lui a dit que s'il commençait comme ça, il allait finir comme moi, à monter sur des tracteurs à 60 ans (imaginez la perplexité du môme ! ).
Aucune charge n'a été retenue contre moi. Je suis reparti sans qu'on me remette une copie de mon procès-verbal d'audition et je me demande encore si c'est normal".
" Avant de vivre tout ça, j'imaginais que les enquêtes publiques pouvaient faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, selon le résultat des consultations. En fait il n'en est rien ! Je considère maintenant que ces enquêtes sont de la poudre aux yeux , un simulacre de démocratie.
A la fin de l'enquête, le commissaire enquêteur rend un avis avec de simples observations ou des réserves, en tenant compte - ou pas - des opinions des personnes qui y ont participé.
Quoiqu'il en soit, il ne s'agit que d'un avis. L'autorité en charge du dossier (municipalité - agglomération etc.) peut le rejeter sans autre formalité qu'un vote !
Pour cette enquête, je me souviens avoir été victime de pressions de la part du Directeur Général des Services de l'époque.
Arnaud et moi étions allés voir le commissaire enquêteur à la mairie, pour lui donner nos arguments pour la préservation de cette zone.
Alors que nous étions en pleine conversation avec lui, quelqu'un vient s'asseoir en face de nous, sans rien dire . Au bout d'un moment, je lui demande qui il est et qu'est ce qu'il fait là . Il me répond qu'il est le Directeur Général des Services de la mairie et qu'il est ici chez lui. Il ajoute qu'il s'agit d'une enquête publique, donc que tout ce qui se dit est public et qu'il a droit de l'entendre !
Je lui ai demandé de partir plusieurs fois sans succès. Il a fini par s'en aller quand le commissaire enquêteur l'a invité à le faire.
Le plus drôle c'est qu'il a cru qu'Arnaud et moi étions mari et femme.
Du coup, pendant longtemps, j'ai été considérée comme telle dans tous les actes juridiques émanant de la mairie contre l'association, ce qui était une erreur formelle que nous aurions pu faire valoir, mais qui nous a plutôt fait rire ! "
"Pour la commémoration du 8 mai 2010, nous étions une petite douzaine de membres de l'association à nous être réunis devant le monument aux morts du village.
En même temps que nous honorions leur mémoire, il s'agissait pour nous de montrer à la municipalité que nous étions présents et déterminés à nous battre contre le projet Kaufman.
Nous étions alors très en colère et nous voulions marquer le coup. J'ai proposé aux autres de nous rapprocher du maire pendant son discours, pour lui montrer que nous faisions front commun.
Dès qu'il a commencé à parler, je me suis donc avancé à un mètre de lui. C'était très impressionnant pour moi, mais sans doute aussi pour lui.
Malheureusement, les copains sont restés en retrait, je me suis retourné et j'ai vu qu'aucun d'entre eux ne m'avait suivi !!
Je me suis donc retrouvé seul, pendant une bonne dizaine de minutes, face à Bernard Morin qui se demandait à quoi je jouais.
C'était une situation comique, d'ailleurs on en a bien ri après coup.
Heureusement, ce n'était ni annonciateur, ni représentatif de ce qui allait se passer par la suite.
Pendant toutes ces années, nous avons été solidaires, nous épaulant les uns les autres. Aujourd'hui encore, si l'un d'entre nous se décourage, les autres lui redonne confiance.
En regardant en arrière, ce que je vois aujourd'hui c'est une bande d'amis qui a toujours suivi le même chemin, défendu la même cause, sans faille. Malgré nos différences d'opinion sur d'autres sujets, nous sommes restés soudés pour notre cause commune.
Depuis 2009, nos convictions en faveur de la protection de l'environnement de Vauréal et notre amitié n'ont fait que grandir.
Je suis tellement fier et heureux de pouvoir participer à ce juste combat que j'en arrive à remercier intérieurement Bernard Morin de nous avoir donné l'occasion de nous réunir. Après tout c'est lui qui, en initiant ce projet a fédéré une bonne partie du village contre lui. "
"En 2015, après la première tentative de défrichement, je jardinais tranquillement dans mon potager situé à côté de l'école élémentaire du village, lorsque Mme Couchot est passée dans la rue et m'a félicité pour mon jardin ( j’étais un électeur potentiel, elle ne savait pas que j'étais adhèrent à l'association des 3 tilleuls).
Rapidement, la conversation a évolué.
Je lui ai fait part de mon indignation devant le projet de construction et je lui ai demandé, si elle ne pensait pas que ça valait le coup de laisser ces arbres tranquilles !
L’expression de son visage a subitement changé.
Pour seule réponse, elle m'a dit avant de tourner les talons "Je suis sûre que ce projet va se faire!"
J'ai alors compris que, pour elle, remporter la victoire était une affaire d’égo et de pouvoir personnel. Tout ça dépassait la logique ou le simple bon sens. J'ai su en un instant que j'allais me battre pour empêcher son projet.
Je me souviens d'un autre défrichement en 2016. La route était barrée par une troupe de gendarmes qui bloquaient l'accès aux terrains pour interdire la prise de photos. J'arrivais avec mon vélo, ma remorque, ma fourche et ma bèche. L'image du parfait papy jardinier.
Au début ils m'ont refusé le passage, mais j'ai insisté en leur expliquant que mes tomates et mes salades avaient absolument besoin
de moi. Ils ont alors consenti à m'ouvrir la barrière.
Arrivé devant les engins qui étaient en train de broyer les arbres, je me suis arrêté et j'ai
sorti mon téléphone pour prendre une vidéo et des photos. En 15 secondes, j'ai été entouré par une bande de gros bras, mon statut était passé de "papy jardinier" à "dangereux écolo-activiste" et j'ai été prestement sorti de la zone !!".